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le blog de jean-luc charlot
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28 octobre 2012

Rencontre : Les associations de citoyens dans la cohésion sociale. Caen. 27 octobre 2012

Regards sur l’atelier « Education Populaire et lien social»

 

Vous avez eu la gentillesse de me demander de porter un « regard » sur l’atelier consacré au thème « éducation populaire et lien social ». Avant de vous dire ce qui me parait important dans ce que j’ai entendu au travers des témoignages et des échanges qui ont traversé cet atelier, il me faut vous préciser mes propres représentations à partir desquelles j‘ai écouté ce qui s’est dit.

 

1. Ce qui pour moi caractérise avant tout les associations qui agissent dans le cadre de que l’on nomme « politique de la ville » est qu’elles s’affrontent à deux problèmes.

Le premier est leur raison d’être : se coltiner aux conséquences sociales et humaines, non pas d’une crise, ni même de ce que Colette Gissot désignait, dans son intervention, comme une mutation, mais ce que je nomme une métamorphose. Par ce terme de « métamorphose », je veux souligner à la fois l’ampleur des transformations, mais aussi la difficulté qui existe à les penser et à se les représenter. Une métamorphose est une transformation dont on ne connaît pas la forme finale… Les conséquences humaines et sociales de cette transformation ont à voir avec ce que l’on nomme, d’un terme qui n’est sans doute plus très opérant, de « lien social ». Plus précisément, ces transformations produisent de la déliaison, de la désaffiliation, du désencadrement, de la désappartenance. Autant de difficultés qui affectent nos manières « d’être et d’agir ensemble », que les associations contribuent par leurs actions à corriger.

Le second problème auxquelles s’affrontent vos associations a à voir avec les conditions mêmes de la mise en œuvre de vos actions : l’esprit gestionnaire qui caractérise les politiques publiques. Cet « esprit gestionnaire » est très bien analysé par un auteur comme Albert Ogien. En reprenant cette notion, je veux caractériser le processus même de production de la décision publique, dont on connaît assez bien aujourd’hui les principaux contours, déterminés qu’ils sont par l’introduction du principe de « gouvernement au résultat », c'est-à-dire par la mesure de la performance de l’action publique selon le degré de réalisation d’objectifs chiffrés. Ainsi que par l’introduction de principes de management public sensiblement identiques à ceux qui prévalent dans les entreprises du secteur marchand et qui se manifestent par la production d’instruments et d’indicateurs de gestion (appel à projets, rapports, tableaux d’indicateurs, etc.). Il resterait à préciser les singularités strictement locales de cette mise en oeuvre de « l’esprit gestionnaire », cette manière technique et un peu clandestine de gouverner qui ampute pour partie la part strictement politique de la décision.

 

2. Avec ce regard porté sur vos associations, qu’ai-je entendu qui me paraît important de vous restituer ? Avant tout des pratiques qui consistent pour la plupart à organiser un lieu. Un lieu qui soit ouvert, convivial où chacun puisse y venir pour s’y poser, prendre un café, discuter, trouver une écoute, y être entendu, reconnu… Un lieu où puisse se dire une difficulté, une envie, un projet et où l’on trouvera un appui, des ressources pour rompre l’isolement, retrouver une confiance en soi ou le plaisir de faire, d’agir avec d’autres. Des pratiques qui vont produire précisément du lien, de la ré-affiliation, de la ré-appartenance et du plaisir à « vivre et agir ensemble ».

Mais ce que j’ai entendu aussi fortement, c’est que la pertinence de tels lieux est conditionnée par le temps, la durée et la stabilité. Temps nécessaire pour renouer avec la nécessaire confiance, confiance en soi de celui ou celle qui décide de le fréquenter et confiance dans ceux qui sont là à faire vivre ce lieu. Durée nécessaire pour que chacun se réapproprie son propre destin, son propre chemin. Nécessaire stabilité des équipes qui animent ces lieux afin que se noue la relation indispensable sur laquelle va pouvoir s’adosser cette possibilité de « ré-affiliation ».

Ce besoin, cette nécessité de temps, de durée et de stabilité s’affronte le plus souvent à l’esprit gestionnaire qui caractérise les politiques publiques comme je l’ai souligné, en ce qu’il privilégie les cycles courts (rythmés par les procédures d’appel à projets) et un certain régime de performance dont les critères retenus pour évaluer le travail réalisé rendent au fond peu compte des résultats véritablement obtenus.

C’est de cette inadéquation entre le mode dominant de gouvernement des politiques publiques et la réalité du travail réalisé par les associations qu’il faut sortir si l’on veut véritablement travailler collectivement à une « peu plus », un « peu mieux » de cohésion sociale.

 

3. Le dernier point, qui m’a étonné à l’écoute de ces échanges et de ces témoignages, est la conception d’une éducation populaire, telle qu’elle a été reprécisée en conclusion de l’atelier : comme un ensemble de pratiques qui permet à chacun de reprendre sa place dans la société. Certes, créer les conditions qui vont permettre de réfléchir aux façons dont on peut réinventer son existence est une des finalités historiques de l’éducation populaire qui sous tend l’idée d’émancipation individuelle. Ce dont témoignaient les expériences relatées au cours de l’atelier au travers de l’accompagnement de parcours individuels.

Mais une autre des finalités historiques de l’éducation populaire n’est-elle pas aussi de créer les conditions, cette fois collectives, de réfléchir aux façons d’élargir l’espace des vies vivables et de combattre tout ce qui tend à restreindre cet espace ?

Améliorer nos façons de vivre et d’agir ensemble, nécessite certes un souci de chacun, mais aussi l’élaboration de solutions collectives de solutions. Et c’est là, le double enjeu de l’éducation populaire…

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